jeudi 15 mai 2014

Turquie : manifestations et appel à la grève



282 morts, manifestations et appel à la grève


De nouveaux cadavres ont été retirés dans la nuit d'une mine de l'ouest de la Turquie où un accident est survenu mardi, portant à 282 le nombre de morts, a annoncé ce matin le ministre de l'Énergie.

"À 08H00 (locales) nous avons 282 morts", a déclaré Taner Yildiz à la presse.

Le précédent bilan de cette catastrophe dans la mine de charbon de Soma, située dans la province de Manisa, était de 274 morts.

De l'avis des autorités, il y aurait encore près de 90 mineurs coincés sous la terre, mais leurs chances de survie sont presque nulles.

"Nous n'avons pas retiré de mineurs vivants (du puits) ces 12 dernières heures", a d'ailleurs souligné le ministre, ajoutant que deux galeries étaient encore inaccessibles aux équipes de secours.

La confédération des syndicats de la fonction publique (KESK) en Turquie a annoncé mercredi soir qu'elle déclencherait un mouvement de "grève" jeudi pour protester contre la catastrophe minière de Soma qui a fait 274 morts selon un dernier bilan officiel, mais provisoire.

"Ceux qui dans le cadre de la politique de privatisation mettent en danger la vie des travailleurs au nom de la réduction des coûts sont coupables du massacre de Soma et doivent en répondre", déclare dans un communiqué mis en ligne sur son site la confédération syndicale.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a été vivement pris à partie mercredi par des manifestants qui lui reprochent de négliger la sécurité dans le secteur minier.

En dépit des efforts de secouristes, les espoirs s'amenuisaient pour retrouver vivants une centaine de mineurs encore bloqués sous terre dans la mine de charbon située à Soma (province de Manisa), dans l'ouest du pays.

Mercredi à Istanbul, des milliers de manifestants se sont heurtés à la police anti-émeute turque après l'accident, a constaté un photographe de l'AFP.

Les manifestants, pour la plupart membres de syndicats de gauche, ont scandé des slogans antigouvernementaux, la police répondant par des tirs de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

Dans la soirée, la confédération des syndicats de la fonction publique (KESK) a annoncé sur son site qu'elle déclencherait un mouvement de "grève" dès jeudi pour protester contre ce qu'elle a appelé le "massacre de Soma".

M. Erdogan, qui s'est rendu sur place à la mi-journée, a fait état d'une "enquête approfondie" sur les causes de l'accident.

Il a promis de faire toute la lumière sur cette tragédie en rejetant toute responsabilité de son gouvernement, accusé de négligence dans ce drame, affirmant "que les accidents au travail arrivent partout dans le monde".

Sur place les secouristes s'activaient désespérément à ressortir un mineur vivant du puits, mais les brancards ne transportaient que des cadavres.

Un mineur d'une autre entreprise, Mustafa Yildiz, venu aider ses collègues n'a néanmoins pas perdu espoir.

"Là on va retourner au fond (...) pour essayer de sauver des gens, nos amis sont là, notre âme est avec eux, à l'intérieur, ce sont nos frères, ce sont nos pères, ce sont les nôtres (...), ce qui leur est arrivé aurait pu nous arriver à nous"

Un peu plus loin, un autre mineur qui vient juste de sortir de la mine, Murat Kurkoglu, affiche, lui, son pessimisme: "on va essayer de sortir ceux qui sont encore bloqués, un par un (...) Mais vous savez très bien qu'il n'y a plus d'espoir, c'est fini pour eux".

Le médecin responsable des secours pour l'association SAR (Search and Rescue), Erdem Bakin, a souligné les risques encourus par les sauveteurs.

"On ne va pas au-delà de 100 m au fond de la mine, personne ne peut aller jusqu'au bout, c'est impossible, car il y a de très grands risques d'asphyxie à cause du gaz", dit le spécialiste, tout en voulant garder un peu d'espoir.

Trois jours de deuil national ont été décrétés.

787 employés se trouvaient dans les galeries souterraines au moment de l'explosion mardi après-midi. Selon les autorités 363 mineurs ont été sauvés et, selon la compagnie qui gère la mine, "près de 450" .

- Le gouvernement critiqué -

 La responsabilité du gouvernement est pointée du doigt.

Selon les médias locaux, trois semaines auparavant, le parlement a refusé de former une commission pour faire un état des lieux sur la sécurité des mines en Turquie. Les trois partis d'opposition ont soumis des propositions qui ont toutes été refusées par l'AKP, le parti majoritaire de la justice et du développement.

Lors de son intervention à la mairie de Soma, M. Erdogan a balayé les critiques, donnant des exemples d'accidents survenus dans plusieurs pays occidentaux.

À sa sortie, plusieurs dizaines d'habitants en colère ont hué le Premier ministre, certains scandant "gouvernement démission" malgré un nombre important de policiers qui se sont immédiatement interposés.

Les manifestants ont donné des coups de pieds au véhicule dans lequel se trouvait le dirigeant turc.

Le ministère du Travail a, quant à lui, publié un communiqué dans lequel il affirme que la mine de Soma a été contrôlée en mars et qu'aucune atteinte aux réglementations en vigueur n'a été relevée

Le bureau du procureur régional a lancé mercredi une enquête judiciaire sur cet accident. (AFP, 14 mai 2014)

Manifestation contre Erdogan sur le site de l'explosion

Plusieurs dizaines d'habitants en colère de la ville de Soma (ouest de la Turquie), frappée par une catastrophe minière, ont manifesté contre le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan qui s'est rendu sur les lieux, l'appelant à démissionner, a rapporté l'agence de presse Dogan.

Des manifestants s'en sont pris à son véhicule officiel malgré un dispositif policier, lui donnant des coups de pied, selon l'agence.

M. Erdogan qui est sorti de la voiture sous les huées des protestataires est rentré dans un commerce avant d'en ressortir quelques minutes après, selon les images diffusées par cette agence.

Peu avant, le chef du gouvernement turc s'était adressé à la presse dans cette ville, annonçant un nouveau bilan provisoire de 238 mineurs tués à la suite de cette catastrophe industrielle, l'une des pires qu'ait connue la Turquie.

Il a aussi rejeté les critiques concernant une éventuelle négligence de son gouvernement islamo-conservateur, affirmant que les accidents miniers "se produisent partout dans le monde", en citant par ailleurs des accidents survenus aux XIXe et XXe siècles en Grande-Bretagne et en France notamment.

Selon les médias locaux, il y a trois semaines le Parlement avait refusé de former une commission pour faire un état des lieux sur la sécurité des mines en Turquie. Les trois partis d'opposition avaient soumis des propositions qui ont toutes été refusées par l'AKP, le parti majoritaire de la Justice et du développement dirigé par M. Erdogan.

Autres manifestations

L'accident a provoqué une nouvelle poussée de fièvre antigouvernementale dans le pays.

La police turque a tiré des gaz lacrymogènes mercredi à Ankara contre des centaines d'étudiants qui manifestaient contre le régime islamo-conservateur qu'ils tiennent pour responsable de l'accident qui a tué 205 mineurs dans l'ouest de la Turquie.

Les 700 à 800 manifestants voulaient marcher d'un campus d'Ankara au ministère de l'Énergie situé dans le même district, conspuant le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

Les manifestants ont riposté à l'intervention de la police antiémeute, qui a aussi fait usage de canons à eau, par des jets de pierre.

Le drame, l'une des pires catastrophes industrielles de Turquie, a provoqué une forte réaction sur les réseaux sociaux notamment envers le gouvernement, accusé de négligence et d'indifférence contre le sort des travailleurs et des plus démunis en général, et des appels à manifester ont été lancés.

Des manifestations sporadiques ont eu lieu à Ankara et Istanbul, selon les médias.

Dans cette dernière ville, une quinzaine de personnes se sont couchées pendant dix minutes sur le sol du métro de Taksim, place emblématique de la mégapole, pour rendre symboliquement hommage aux victimes de la catastrophe.

Le régime turc a été la cible d'une fronde inédite l'été dernier, qui était précisément parti d'un projet d'urbanisation à Taksim, pendant laquelle des millions de personnes sont descendues dans les rues à travers le pays pour dénoncer son "autoritarisme" et sa "dérive islamiste". (AFP, 14 mai 2014)


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